Conduite du changement : Approche incrementale vs Approche radicale
Face à l’avènement des 3D(Décloisonnement , Désintermédiation, Déréglementation), les entreprises et plus généralement les organisations sont en permanente évolution afin de pérenniser croissance et compétitivité. Dans ce contexte, réussir le changement devient un élément déterminant dans la stratégie des organisations. Aussi, la problématique de la conduite du changement bien qu’existante auparavant dans les organisations occupe aujourd’hui davantage d’importance.
Autissier et Moutot nous présentent une typologie du changement dans les organisations en fonction des motivations du changement et de son rythme ( Ci-jointe dans le présent graphique).
Si les causes et les axes du changement sont souvent clairs et concentrent l’attention des équipes de pilotage du changement, le rythme encore appelé ampleur du changement n’en demeure pas moins important. La réalité est que l’ampleur du changement même lorsqu’elle reste modulable implique une diversité de déterminants dont :
-l’origine du changement
-le but recherché par l’adoption du changement
-la culture de l’organisation
-la motivation des dirigeants
-la conjoncture.
La méconnaissance de ces déterminants avant la mise en œuvre du changement peut conduire à des échecs éléphantesques. Aussi, semble-t-il judicieux pour les pilotes du changement de se pencher sur le rythme du changement adéquat par rapport à une organisation type. Ceci implique la mise en relief de deux principaux rythmes de changement : le changement incrémental et le changement radical.
Le changement incrémental : C’est un changement graduel intégré au sein de l’organisation. Il vise en général la réalisation de problèmes ponctuels ou des objectifs de gestion à long terme. L’objectif ici est l’amélioration de l’efficience du système sans une remise en cause complète de l’existant.
Il implique une vision claire dirigeants et évite l’allocation d’importantes ressources à des projets dont les tenants et aboutissants ne seraient maîtrisés. Pour la fusion Crédit Agricole-Credit Lyonnais, c’est un changement incrémental qui a été adopté grâce à une implication réussie des SI et des ressources humaines
Toutefois, il reste inapproprié dans certains contextes de crise profonde (arrivée de nouveaux concurrents, innovations, règlementation défavorable…, crise économique) où la pérennité se joue à l’anticipation des besoins du marché et à l’adoption de stratégies délibérées. Il est également nécessaire de tenir compte de la culture de l’organisation et de son ouverture à l’apprentissage organisationnel[1]. KODAK en a appris à ses dépens. En effet, bien qu’ayant dominé littéralement le marché de la photo de 1880 à 1990, l’entreprise a raté le tournant du numérique par sa forte spécialisation et son manque d’ouverture au changement (le numérique y étant considéré comme un gadget et la chimie comme le cœur de métier de la photo).
Le changement radical : Il implique comme son nom l’indique une transformation en profondeur du système et pas seulement un changement des acteurs. Il implique à la fois trois niveaux d’intervention au sein de l’organisation : stratégique, opérationnel et fonctionnel.
A la suite de la crise financière de 2007 aux Etats-Unis, le gouvernement Américain a proposé aux principaux conglomérats industriels (General Motors, Chrysler…) une révision de leur stratégie en vue du soutien économique de l’état et de leur redressement. Cependant, face à l’inertie des dirigeants ne mesurant pas la gravité de la crise, les plans de redressement ont tous été rejetés, menant ces entreprises à la faillite. Aujourd’hui, General Motors renaît de ses cendres grâce à un changement de direction et un changement radical d’orientation stratégique pour prendre en compte les nouveaux besoins écologiques.
Impliquant davantage la pérennité de l’organisation, le changement radical présente de ce fait des risques plus élevés et des échecs plus fréquents. Dans le cas par exemple de fusions-acquisitions ou de croissances externes, l’installation du personnel issu de différentes structures dans les mêmes locaux peut être sources de conflits (différences de culture d’entreprise, différences de procédures et de processus, pertes de zones de confort et faible temps d’adaptation…).
Pour conclure, il n’existe pas de rythme de changement optimum pour l’entreprise. Les marges de manœuvre des dirigeants restent faibles d’autant plus que l’ampleur du changement se trouve souvent imposée par un ensemble de déterminants aussi bien externes qu’internes à l’entreprise. Toutefois, il appartient aux dirigeants de développer une culture du changement au sein de l’organisation
Hafsi et Demers (1997) estiment que « les meilleurs gestionnaires évitent le changement radical ; plus la capacité de changement d’une organisation est élevée, plus elle pourra éviter le changement radical. » . Cette culture permettrait d’éviter des crises profondes comme la vague de suicides qu’a connu France Télécom entre 2008 et 2009. Des éléments pour la mettre en œuvre sont à titre d’exemple la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, la formation du personnel, la rotation du personnel à différents postes aussi bien physiques que fonctionnels.
[1] Chris Argyris , Donald Schön : Apprentissage organisationnel, Théorie, Méthode et pratique
Mireille GNINAHOPHIN
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